La Presse - Articles

Pascale Vyvère comédienne

Les choix de weekend

La diva comédienne
Comédienne et chanteuse, Pascale Vyvère nous livre son univers poético-musical dans le reflet des Miroirs d'Ostende. Emotion, quand tu nous tiens…

Alors que Namur paresse encore sous les derniers feux de l'été finissant, son Théâtre royal superbement rénové et inauguré en février abrite entre ses murs une activité fébrile. C'est qu'avec 26 spectacles à l'affiche, la nouvelle saison a déjà commencé avec la pièce Les Miroirs d'Ostende de l'auteur belge Paul Willems. Dans le rôle de la baronne Dentile : Pascale Vyvère, une jeune comédienne-chanteuse de 32 ans qui, il y a tout juste un an, sortait son premier CD intitulé Je Vous Attends et passait en première partie du concert Moustaki aux Nuits Botanique à Bruxelles. Encore revêtue de son costume de scène, une longue robe de velours, d'une voix flûtée presque intimidée qui contraste avec la puissance déployée en concert, elle évoque l'univers de Willems. « C'est un texte très bien construit avec lequel on savoure le plaisir des mots, souligne-t-elle. Ils roulent dans la bouche comme une musique. Non pas que nous chantions à la manière des Parapluies de Cherbourg, mais le langage a un rythme qui évoque une fugue musicale. Il y a aussi, bien sûr, des moments purement chantés ».

La pièce est un huis clos opposant un couple - le Dr Posso et la baronne Dentile - restés à Ostende pendant la guerre. Les fenêtres de leur appartement sont obturées, les isolant de la mer et de l'immense horizon. « La pièce, explique Pascale Vyvère, mélange légèreté, paillettes et pompons à des scènes très fortes, très violentes. Les personnages s'inventent une histoire et ont la prétention de transformer leur vie mais la réalité les rattrapera ».

Tombée dans le théâtre et la chanson, comme Obélix dans la potion magique, Pascale Vyvère n'imaginait pas un jour faire de son passe-temps un métier. A la maison, ses parents écoutaient Brel, Brassens, Bécaud tandis qu'elle pianotait, chantait et jouait dans une troupe de théâtre amateur. A l'heure des choix professionnels, elle décide pourtant de devenir graphiste. Quelques années dans une agence de publicité vont vite la faire déchanter. « Je ne me retrouvais pas du tout dans ce métier qui consiste à rendre essentiel aux yeux des gens un objet tout à fait inutile », confie-t-elle.

Recherchée pour ses doubles compétences de musicienne et de comédienne, Pascale Vyvère impose petit à petit son nom au théâtre jeune public puis au cabaret-théâtre. Un stage aux Ateliers de la chanson, à Paris, lui fait rencontrer Romain Didier. L'auteur-compositeur-interprète la pousse à l'écriture et surtout lui donne confiance en son talent. Car la jeune artiste est rongée par le trac. « Avant un spectacle, avoue-t-elle, j'ai besoin de suivre tout un rituel. Je dois me mettre au calme et m'assurer que tout est à sa place. Je me répète les premières répliques d'une pièce ou les premières strophes d'une chanson. Dans les deux cas, c'est horrible. Je peux travailler pendant des mois comme un bœuf. Si on me disait avant d'entrer en scène, rentre chez toi, tu n'as pas l'air bien… eh bien oui, je rentrerais ».

Jusqu'ici, l'appel de la scène est resté le plus fort, au théâtre comme dans la chanson. Et si on demande à Pascale de faire un choix, elle répond instantanément : « J'ai besoin des deux. L'investissement n'est peut-être pas le même. Dans un concert, je dois donner une plus grosse part de moi-même mais, dans les deux cas, lorsque le public réceptionne bien et qu'il renvoie la balle, alors, on se sent porté ».

Lucie Dendooven
Le Vif/L'Express du 18 septembre 1998

 
Ellipses d'un temps jauni

Une Douce-Amère délicate, jouée et chantée par un trio féminin: le Rideau de Bruxelles crée le nouveau texte d'Eric Durnez, mis en scène par Thierry Lefèvre.

La petite salle du Rideau de Bruxelles vous met déjà au parfum de la nostalgie, de ces abat-jour qui tamisent une lumière dorée sur un guéridon et autres objets d'un temps jauni. Sur scène, trois îles-refuges, où se serrent beaucoup de grandes et petites lampes, des miroirs, des photos, des mappemondes. L'une a son armoire, l'autre sa table-coiffeuse, et la troisième son piano. Un quatrième îlot s'anime autour d'un vieux frigo. « Des années de poussière collées à la mémoire. Cette maison, nous l'avons quittée comme des voleuses, sans rien emporter, sans ranger, sans éteindre nos lampes de chevet… » Deux sœurs y attendent de sceller l'héritage de leur mère. Une autre femme glisse entre elles, étrange. Elle raconte d'invraisemblables voyages que l'on s'invente en caressant les mappemondes lumineuses. C'est la troisième sœur, la petite dernière.
Chassés-croisés d'illusions effilochées, de bribes de vies fanées, de fuites, de faux pas, de ces souvenirs d'enfance dans la saga maternelle. Trois femmes parlent et chantent. « Les grands bégayeurs s'arrêtent de bégayer au moment de chanter », dit Léna. Et, lorsqu'on ne s'est plus vues depuis quinze ans, il y en a des choses à se dire, à comprendre, du fil à renouer !
L'histoire n'est pas neuve, certes. Quant à la forme, elle n'amorce pas de révolution theâtrale, mais cette « comédie avec chansons » d'Eric Durnez nous enchaîne mine de rien, avec la complicité de la nostalgie des mélodies de Renaud Grémillon, où les mots balancent doucement leur amertume poétique, tout en s'emballant parfois en joli clin d'œil à la comédie musicale. La pièce est truffée d'humour, de cette sorte d'humour qui détourne en pirouette ce qui pourrait frôler le mélo, comme les enfants le font inconsciemment. Et il y a beaucoup d'enfance entre ces trois femmes.
A ce jeu, Pascale Vyvère excelle, les mains au clavier, le regard ambigu, dont on ne sait s'il couve une plaisanterie ou une tragédie, avec cette superbe voix souple et satinée, inimitable. Laura van Maaren qui endosse le rôle de Léna (un nom lisse, apaisant pour cette troisième sœur, passerelle entre les deux autres) acoquine sa frêle silhouette à la contrebasse. Sa présence est obsédante, très belle. Plus écorchée par la vie brûlée de son personnage, Fabienne Mainguet apporte une note rugueuse, plus grave, que relaie son inséparable violon.
A ce trio de comédiennes-musiciennes, Thierry Lefèvre offre une palette de demi-teintes en camaïeu, dans un rythme rapide, parfois syncopé, qui, subtilement, relève le défi d'un texte fort beau, mais sans action : cette Douce-Amère joue de ses ellipses, à la manière de Durnez, qui sait y graver en sillons très fins des lames de fond, surgies de vies en apparences banales.

Michèle Friche / Le Vif-L'Express
Souvenirs, souvenirs... doux amers

Fugue à trois voix, La Douce-Amère évoque trois destins de femmes sous les halos de lumière d'un salon familial. Trois comédiennes de talent sous la direction de Thierry Lefèvre donnent corps à cette subtile histoire.

Un parfum de nostalgie, une odeur mélangée d'encaustique et de poussière, semble comme flotter au-dessus de cette Douce-Amère. Dans un salon, noyé sous une forêt d'abat jour, entre mappe-mondes et guéridons garnis de napperons, trois femmes jouent à cache-cache avec leur passé. La mort de leur mère réunit Sarah et Fanny alors que des années de destins séparés ont creusé, entre elles, un abîme. La troisième, Léna, assiste pas si étrangère que ça, à leurs retrouvailles. C'est le moment de réveiller les souvenirs, d'aiguillonner les vieilles rancœurs car comme toutes les vies, les leur sont faites d'ombres et de lumières mais comme le dit l'auteur : à chacun son mélodrame, à chacun sa comédie, la joie d'un télégramme, l'envie inassouvie.
A la base de cette belle aventure théâtrale, l'envie de trois comédiennes- musiciennes d'être réunies sur scène. Elles ont commandé une pièce mélangeant textes et chansons à Eric Durnez, un jeune écrivain belge, lauréat 1999 du Prix du Théâtre en tant que meilleur auteur. Son texte a le rythme et la musicalité d'une fugue de Chopin même si on se situe plutôt dans le répertoire chanson française au niveau des morceaux joués sur scène par les trois comédiennes, l'une au piano, l'autre au violon et la troisième à la contrebasse.
Trois femmes sur scène, c'est plutôt rare et on ne peut que saluer cette belle idée de rassembler ces trois talents qui aiment naviguer entre des univers parallèles, à la lisière entre théâtre et musique. L'une comme l'autre sont touchantes à commencer par Pascale Vyvère qui depuis Miroirs d'Ostende et plus récemment, Le fil à la patte n'en finit plus de nous surprendre. Elle est, cette fois, Sarah vieille fille boulotte et toujours vierge, barricadée entre son appartement envahi par ses félins et son métier d'employée modèle chez Tubec. Les yeux pétillants, elle esquisse avec une pudeur attendrissante et un humour à fleur de lèvre, ce personnage qui craint, en amour, d'avoir " dépassé la date de péremption " et qui préfère jouer sa vie au piano plutôt que de la vivre. Faciès tourmenté, Fabienne Mainguet campe avec aplomb, Fanny, une femme alcoolique, désabusée et marquée par la vie dont le violon désaccordé finira par se marier avec les deux autres instruments. Enfin la silhouette longiligne, Laura Van Maaren incarne Lara, sorte de Corto Maltèse féminine évoquant des récits de voyages les plus rocambolesques qui soient.
Fugue à trois voix, ces trois destins de femmes s'écoutent comme on feuillette un vieux cahier noirci par une écriture serrée tant le flux y est parfois rapide. Tout comme Mémoires de l'eau de Shelagh Stephenson, joué en ce moment aussi, dans une autre salle du Rideau de Bruxelles, les fantômes du passé sont convoqués dans une maison familiale. Si le thème est grave, il est néanmoins désamorcé par la douceur des mélodies et la pointe d'humour qui perce à l'une ou l'autre réplique. On l'aurait préféré plus dominant, cependant, comme les auteurs anglo-saxons peuvent si bien nous le rendre.

Lucie Dendooven / RTBF-Culture
<< RETOUR DOCUMENTS * * << RETOUR ACCUEIL * * AUTRES EXTRAITS DE PRESSE >>